Les Algériens font leur révolution 57 ans après l’indépendance. Ils aspirent à une Algérie portée par la jeunesse, les femmes et les élites éclairées.

L’Algérie entre dans une grande zone de turbulence. 57 ans après son indépendance, sa jeunesse se rebiffe et se lève pour dire NON au 5ème mandat d’Abdelaziz Bouteflika à la présidence de la République algérienne.

Depuis 10 jours, dans toutes les grandes villes, Alger, Oran, Constantine, des centaines des milliers de personnes, notamment des jeunes expriment, de façon pacifiste et dans le calme, leur ras-le-bol d’un système dont ils exigent maintenant le renouvellement voire le retrait.

Après la décennie noire des années 90 où la violence régnait en maître, puis le silence algérien pendant les printemps arabes, cette irruption dans l’espace public ne cesse d’étonner ceux qui connaissent peu l’Algérie, mais pas les autres pour qui l’affaire était entendue, la pression palpable et les motifs de rébellion nombreux.

Après la décennie noire des années 90 où la violence régnait en maître, puis le silence algérien pendant les printemps arabes, cette irruption dans l’espace public ne cesse d’étonner ceux qui connaissent peu l’Algérie.

Pourtant, tout avait si bien commencé, le président Bouteflika avait été accueilli le 27 avril 1999 en messie, lui qui promettait de rétablir la paix et la concorde dans une Algérie martyrisée par les attentats et tyrannisée par les islamistes. 10 ans d’une tragédie qui se jouait à huis clos et dont les massacres nous parvenaient au loin, par-delà la Méditerranée mais étouffés par le pouvoir socialiste français d’alors, enfermé dans l’obsessionnelle question « Qui tue qui »? Renvoyant dos à dos islamistes et régime militaire et laissant croire que tout se valait. Les Algériens en ont été meurtris et anéantis.

De ces années meurtrières ils ont gardé une sourde rancune pour tous ceux qui n’ont pas fait preuve de solidarité à leur égard, dont certains ont même joué parfois les apprentis sorciers en offrant l’asile en France aux islamistes en butte à la riposte militaire algérienne.

Ainsi, si la grande réconciliation a bien eu lieu en Algérie lors du 1er mandat de Bouteflika (1999), c’est parce qu’il était tout auréolé de son image de combattant du FLN mais aussi de son aura internationale, héritée des années 70 où il régnait sur la diplomatie algérienne, chantre du non-alignement et du panafricanisme avec l’adoubement de toutes les diplomaties occidentales.

A l’heure du 5ème mandat, la réalité est toute autre et cette image paraît bien lointaine, dégradée par les difficultés sociales, le poids de la bureaucratie et d’une classe dirigeante de plus en plus contestée.

A l’heure du 5ème mandat, la réalité est toute autre et cette image paraît bien lointaine, dégradée par les difficultés sociales, le poids de la bureaucratie et d’une classe dirigeante de plus en plus contestée.

Aujourd’hui, alors que le Président Bouteflika a déposé officiellement ce 4 mars sa candidature à la présidence, il est à craindre que la contestation s’intensifie et se radicalise.

Si le calme et la non violence ont prévalu jusqu’alors, en sera-t-il de même demain?

En France, les leçons du passé invitent nos dirigeants à une grande prudence mais notre histoire séculaire et souvent orageuse avec l’ancienne colonie ne peut nous permettre de rester longtemps en retrait. Prudence et vigilance donc sous peine d’être accusés d’ingérence, mais nous serons dans l’impérieuse obligation très vite de penser notre avenir avec une Algérie démocratique et libre.

La diaspora algérienne en France a gagné en force et en maturité et elle ne laissera pas se mettre en place un déni de démocratie dans son pays d’origine, sans réagir.

Et cela pour 3 raisons:

– La première est d’ordre économique, puisque notre dépendance à l’Algérie en matière pétrolière est déterminante, elle représente près de 10% de nos importations. Sa stabilité économique est pour nous impérative.

– La deuxième raison est d’ordre géostratégique. Le rapport parlementaire sur le Sahel, qui vient d’être effectué en juillet 2018 dresse un bilan désastreux de la situation dans cette région, et notamment au Mali. Seule l’Algérie détiendrait les clés d’une stabilité retrouvée. Pour sortir du guêpier sahélien, l’Algérie doit être ramenée au centre du jeu. Ce qui risque d’être difficile si elle est embourbée dans une contestation à l’intérieur de ses frontières.

– Dernière raison et non des moindres, et celle-là est d’ordre culturel et démographique. En France, un Français sur six est concerné par l’Algérie -appelés du contingent, pieds noirs, harkis, immigrés- même indépendante, le sort de l’Algérie nous touche et nous concerne. L’immigration algérienne est très importante en nombre, à Paris par exemple elle représente un poids démographique significatif, notamment dans le Nord-Est parisien. Sur le plan historique, cette immigration est très ancienne et enracinée, de puissants réseaux existent. Déjà elle se mobilise par des marches et des rassemblements d’une ampleur inédite. Ses appels sur les réseaux sociaux sont très relayés.

La diaspora algérienne en France a gagné en force et en maturité et elle ne laissera pas se mettre en place un déni de démocratie dans son pays d’origine, sans réagir. Les dirigeants de ce pays savent qu’elle va peser et se mobiliser pour faire éclore une Algérie démocratique, portée par sa jeunesse.

A Alger, au premier rang du cortège, Djamila Bouhired, 82 ans, ancienne condamnée à mort, héroïne de la révolution algérienne pour l’indépendance, a tendu comme un flambeau à la jeunesse algérienne pour qu’elle s’en montre digne, à la hauteur des sacrifices consentis par leurs aînés.

Lors des dernières marches, toujours plus massives d’Alger, on a pu découvrir au premier rang du cortège la grande maquisarde Djamila Bouhired, 82 ans, ancienne condamnée à mort, héroïne de la révolution algérienne. Sa présence témoignait de façon saisissante qu’une autre révolution était en marche, non plus pour l’indépendance et la souveraineté comme en 1962, mais pour la démocratie, la justice et l’alternance. C’était comme un flambeau qu’elle tendait à la jeunesse algérienne pour qu’elle s’en montre digne, à la hauteur des sacrifices consentis par leurs aînés, morts pour une Algérie indépendante.

Oui, la seconde révolution est en marche, formons le vœu que cette transition intergénérationnelle s’accomplisse sans violence et sans traumatisme. Le peuple algérien a beaucoup souffert et aspire à une Algérie nouvelle portée par la jeunesse, les femmes et des élites éclairées.

Il fait le pari de l’intelligence et de la démocratie.

 

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