Bien accueilli par les uns, critiqué par les autres …

 

 

Finalement et alors qu’il était attendu pour mercredi, voire un peu plus tard, le remaniement ministériel a fini par être effectué et annoncé par le chef du gouvernement vers 20 heures du soir du lundi 5 novembre 2018.

Dans une première lecture de ce remaniement, plusieurs remarques s’imposent. Tout d’abord, l’ampleur des changements opérés portant sur pas moins de 18 portefeuilles entre ministères et secrétariats d’Etat.

Ensuite, le remplacement du ministre de la Justice qui aurait demandé, lui-même, de partir. Sa dernière déclaration, ce même lundi, disant que rien ne vaut la liberté d’action donnait le ton de son éventuel retrait du gouvernement, et l’entrée d’un Tunisien de confession juive en tant que ministre du Tourisme et de l’Artisanat en remplacement de Salma Elloumi Rekik, nommée directrice du Cabinet présidentiel.

A rappeler, ici, que René Trabelsi avait été pressenti à ce poste lors de la formation du gouvernement de Mehdi Jomâa en 2014, mais il n’avait pas été retenu à cause de l’opposition d’Ennahdha tout en réussissant à imposer le maintien de Lotfi Ben Jeddou à la tête du ministère de l’Intérieur.

On retiendra, également, le maintien de Samir Ettaïeb à l’Agriculture alors qu’on l’annonçait au ministère de l’Equipement et de l’Habitat, occupé désormais par Noureddine Selmi, militant d’Ennahdha et la sortie d’Imed Hammami du cabinet gouvernemental et qui a été remplacé par Abderraouf Cherif, d’Al Machrou.

On signalera la « promotion de Sonia Bencheikh, devenue ministre des Affaires de la Jeunesse et du Sport en remplacement de Majdouline Cherni, fortement controversée, depuis longtemps, et l’entrée, pour la première fois, de Kamel Morjane en tant que ministre de la Fonction publique.

Finalement, si Ennahdha renforce sa présence au gouvernement et si Machrou Tounès et Al Moubadara y font leur entrée pour la première fois, on enregistre une présence légèrement amoindrie des ministres appartenant à Nidaa Tounès, pourtant vainqueur des élections législatives de 2014.

D’autre part, et contrairement à ce que certains pouvaient attendre, on note l’absence de membres appartenant à la Coalition nationale, considérée comme étant proche, voire carrément celle de Youssef Chahed. Ce qui constituerait un geste calculé de la part de Chahed afin d’anticiper les critiques pouvant surgir au cas où il aurait nommé un ou plusieurs membres de ladite coalition.

On croit savoir, par ailleurs, que le poste de ministre de la Justice aurait été changé au dernier moment en y désignant Karim Jammoussi au lieu de Hafedh Ben Salah, initialement pressenti. Quant à Mabrouk Korchid, il aurait été écarté par Youssef Chahed sur « injonction » d’Ennahdha qui ne lui a jamais pardonné ses positions fermes vis-à-vis de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) de Sihem Ben Sedrine.

Pourtant, ce ministre, très populaire dans le Sud où il ferait de la « concurrence » au parti islamiste dans cette région du pays qu’il considère comme étant son fief, a réussi d’énormes réalisations en matière de numérisation du registre foncier et de la récupération d’un très grand nombre de terres domaniales.

Un mot, tout de même, sur la manière d’annoncer le remaniement. En effet, les journalistes, informés de l’imminence de l’annonce, se sont précipités à Dar Dhiafa et ont dû attendre près de trois heures durant, pour avoir droit, en fin de compte à même pas cinq minutes d’allocution du chef du gouvernement qui s’est contenté de la lecture d’un communiqué, avant de quitter la cérémonie.

A ce compte là, nous pensons, sincèrement, qu’un communiqué sur la page officielle de la présidence du gouvernement aurait été plus efficace, dans le sens où la plupart des médias ont repris le texte de la composition de l’équipe gouvernementale à partir, justement, du communiqué officiel écrit.

Venons-en aux premières réactions à ce remaniement, attendu depuis plus de six mois. Dans une première déclaration après l’annonce du remaniement ministériel par le chef du gouvernement, Noureddine Tabboubi, secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), a affirmé que la Centrale syndicale n’a ni été informée de la nouvelle composition de l’équipe gouvernementale, ni consultée auparavant.

L’autre réaction dont on peut prévoir les retombées est celle de Saïda Garrache, porte-parole officielle de la présidence de la République affirmant que Béji Caïd Essebsi refuse la démarche adoptée par le chef du gouvernement, Youssef Chahed pour le remaniement ministériel.

Elle affirme, en substance que « le président de la République refuse la précipitation et la politique du fait accompli. Youssef Chahed n’a pas consulté le président de la République à propos du remaniement ministériel, il l’a juste informé à une heure tardive cet après-midi, d’autant plus que la liste qu’il lui a présentée aurait été changée ».

On croit savoir, d’ailleurs, que le chef de l’Etat serait très en colère et estime qu’il a été « floué » par l’attitude de Youssef Chahed. Et sans présager des suites que peuvent avoir de tels propos, certains observateurs s’attendent à une réaction autrement plus concrète de la part de BCE. Et en attendant de voir plus clair quant à ce sui pourrait advenir en de pareil cas de désaccord sur la composition du gouvernement, tous les scénarios de blocage, d’ordre juridique, constitutionnel et, surtout, moral, semblent prévisibles.

En tout état de cause et sans dire que c’est le gouvernement d’Ennahdha, comme certains, dont Noureddine Ben Ticha, conseiller politique auprès du président de la République, l’affirment sans coup férir, tout porte à croire que le parti islamiste a fini par imposer, pour un grand nombre de portefeuilles, son diktat à Youssef Chahed qui ne pouvait pas faire autrement s’il veut faire passer son remaniement et s’il veut se maintenir à La Kasbah. ( ExpressFM)

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