«Les crispations “djihadistes” sont souvent exacerbées par des ingérences étrangères»
Après avoir acquis une solide expérience des réalités du Monde arabe à travers de longs séjours et de nombreuses pérégrinations, François Burgat livre, dans « Comprendre l’islam politique » Editions La Découverte, quelques clés explicatives du phénomène auquel il a consacré trois autres grands ouvrages . Son propos à l’encontre de la doxa régnante en ce domaine nous a paru assez original pour que nous éprouvions le désir de prêter l’oreille à ses analyses.
Entretien
Omar Merzoug : «Comprendre l’islam politique» est un essai assez particulier si on le compare à vos livres précédents. Il est sous-titré « Une trajectoire de recherche sur l’altérité islamiste ». Pourquoi ce style particulier ? Quelle est votre visée dans cet ouvrage ?
[1] « L’islamisme au Maghreb » (éd. Khartala/Payot), «L’islamisme en face » et «L’islamisme à l’heure d’Al-Qaida » (éd. La Découverte). [2] Interrogé par un journaliste du magazine «Le Point» sur les motivations des auteurs des attentats du 11 septembre qui évoque « le choc des civilisations», Maxime Rodinson n’oppose aucune dénégation à cette «formule » controversée même s’il la nuance : «On peut y déceler une origine de cette sorte, déclare-t-i, Il existe une concurrence entre l’Orient et l’Occident. Mais le phénomène est complexe. On ne peut pas affirmer globalement que tel événement ressort de la civilisation et tel autre non ». Les notions d’Orient et d’Occident sont ici prises dans une vision essentialisée. Tout se passe comme si l’Occident et l’Orient étaient des notions univoques, intemporelles, éternellement égales à elles-mêmes, sans perspective d’évolution ni de transformation (Omar Merzoug). [3]Une violente polémique a opposé, l’année dernière, Oliver Roy, philosophe de formation qui s’est spécialisé dans l’étude de l’islamisme à Gilles Kepel, connu pour ses livres comme « La revanche de Dieu» ou «Jihad». Olivier Roy considère qu’on ne peut parler en toute rigueur de « la radicalisation de l’islam» mais plutôt de «l’islamisation de la radicalité». Autrement dit le fanatisme religieux meurtrier aurait peu de chose à voir avec la religion, mais beaucoup avec une sorte de révolte juvénile touchant une génération entière qui puise dans la religion ses mots d’ordre et ses motifs d’action. A l’inverse, G. Kepel tient le salafi sme pour la clef explicative des actions terroristes. Alors que pour O Roy, le fait religieux est marginal, Kepel en fait la matrice qui rend compte du terrorisme islamiste.