Arslan Chikhaoui, expert en géopolitique à la Patrie news : « L’embrasement de la région des Balkans n’est dans l’intérêt d’aucune puissance » 

By Soulef Biskri

2 Août 2022

Arslan Chikhaoui, expert en géopolitique à la Patrie news 

« L’embrasement de la région des Balkans n’est dans l’intérêt d’aucune puissance » 

Dans cette interview, Dr. Chikhaoui, expert en géopolitique, donne un éclairage sur les heurts survenus aux frontières entre le Kosovo et la Serbie, deux entités territoriales en conflit latent depuis plus de 20 ans. Il écarte une exacerbation de la situation, pour ne pas mettre davantage en péril le vieux continent, déjà durement ébranlé par la guerre russo-ukrainienne. 

Propos recueillis par S. Biskri

La Patrie news : Après de vives tensions aux frontières entre le Kosovo et la Serbie, le calme est revenu. Est-il précaire ou durable ? 

Arslan Chikhaoui : C’est une situation récurrente. La dernière en date fut septembre 2021.  Les récents heurts sont intervenus plusieurs mois après d’intenses manifestations contre la politique frontalière du gouvernement kosovar. Après le recul de Pristina sur pression des Etats Unis d’Amérique, les blocages ont été levés. Selon ma lecture et au regard du différent qui persiste depuis la division des deux entités en 1999, le calme est relatif donc précaire.

Il est utile de rappeler qu’en 2011, les deux pays ont engagé un dialogue pour tenter de résoudre leurs points d’achoppement en vue d’une possible future adhésion de la Serbie à l’Union Européenne, mais depuis, aucun progrès majeur n’a été observé. Par conséquent, la désescalade ne peut être durable que si le dialogue évolue.

L’Otan menace de mettre en action le KFOR. Qu’implique cette réaction offensive sans attendre une médiation politique ? 

Face à cette escalade, la mission de l’Otan, chargée d’assurer la stabilité dans la région depuis 1999, s’est dite prête à intervenir si nécessaire. L’Alliance a rappelé sa forte présence sur place et a précisé être en contact avec les représentants des autorités kosovares et le département de la défense serbe. Cette réaction offensive est plutôt de type préventif, pour éviter d’avoir un nouveau foyer de tension en parallèle avec celui en Ukraine et qui risque d’embraser toute la région.

Justement, le risque de l’embrasement de la région des Balkans est-il réel ? Serait-il en lien avec la guerre Russo-ukrainienne puisque la Russie et la Serbie se soutiennent tacitement ? 

Les Serbes du Kosovo ne reconnaissent pas l’autorité de Pristina, ni l’indépendance de son ancienne province à majorité Albanaise proclamée en 2008. Ils restent loyaux à Belgrade dont ils dépendent financièrement. Selon des observateurs avertis, il est fort possible que la Serbie ait fait monter les enchères dans le cadre d’une action géopolitique, profitant de la crise politico-militaire Russo-Ukrainienne pour avoir les faveurs de la Russie. Certaines sources avertis évoquent même que l’action est coordonnée avec la Russie. Ce que je ne pense pas.  L’embrasement de la région des Balkans n’est, de mon point de vue, dans l’intérêt d’aucune des puissances que ce soit l’Otan, l’UE ou la Russie. Par contre son instrumentalisation fait partie des leviers que les uns et les autres utiliseraient pour des compromis géopolitiques qui amèneraient à terme à une stabilisation de toute la région.

Un nouveau foyer de tensions en Europe. Quel retentissement pour le vieux continent et au-delà le monde ? 

Tout nouveau foyer de tension de quelque nature  que ce soit dans l’espace Europe ne ferait qu’accentuer la division stratégique et tactique des Etats membres de l’UE  très perceptible depuis la crise politico-militaire Russo-ukrainienne avec une annexion en perspective par la Russie du Donbass en complément de la Crimée qui l’a été en 2014. C’est l’enjeu de la projection des puissances navales en Méditerranée qui se joue présentement.

S.B.

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