La récente visite officielle en Algérie du conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères de Chine, M. Wang Yi, confirme le soutien irrévocable de la Chine à l’Algérie dans ses efforts de développement. Cette mission de haut niveau est liée particulièrement au projet de fabrication en Algérie du vaccin chinois «Sinovac» anti-Covid 19, qui entrerait en production dès septembre prochain, avec des ambitions affichées de ne pas se limiter, au conditionnement du produit, mais de faire de la recherche et développement (R&D). Un transfert de savoir-faire au même titre que ce qui se fera avec le partenaire stratégique russe et qui permettrait à l’Algérie d’entrer de plain-pied dans une nouvelle ère.
Il est clair que les relations bilatérales entre la Chine et l’Algérie vont au-delà de la production des vaccins et concernent des secteurs comme, entre autres, la réalisation de logements, la réalisation du Port maritime Centre et le mégaprojet minier de fer de Ghar Djebilet. Comme un dragon à sept têtes, l’engagement de la Chine en Algérie, sur les plan économique et commercial relève d’une stratégie à long terme d’implantation durable en Afrique; l’Algérie est une des portes d’entrée à ce riche continent, en ce sens que la Chine est en train de consolider sa position d’allié stratégique avec l’Algérie dont les relations bilatérales datent de plus de 60 ans et remontent à son soutien à la guerre pour l’indépendance du pays. De plus, la Chine, en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, demeure un levier stratégique de la diplomatie algérienne. Tout laisse penser qu’à l’avenir immédiat la Chine va supplanter les autres partenaires de l’Algérie, sur les plan économique et commercial et vraisemblablement sur le plan financier. La diplomatie scientifique engagée par la Chine au début de la crise sanitaire de la Covid-19, en 2020, avait permis à l’Algérie de mieux appréhender la situation, grâce à un «Early Warning» et à une coopération amicale renforcée avec la Chine pendant que d’autres étaient devenus plutôt centriques. La déclaration publique de M. Wang Yu décline clairement la position de la Chine. En effet, il a souligné que «… Les deux pays amis et partenaires, sont liés par une confiance et un soutien mutuels, et que l’amitié sino-algérienne résistera aux mutations survenant sur la scène internationale où les crises se multiplient de plus en plus…»
La crise sanitaire mondiale de la Covid-19 devient, dans le temps et dans l’espace, un moment de profonds changements, dans lequel les alliances internationales pourraient être l’une des pierres angulaires affectées par ces changements. Cependant, ce passage n’est pas automatique. La Chine a clairement tenté de saisir cet élan, dans le double objectif de transformer ses faiblesses en atouts: réorienter la narration de ses performances dans la crise et profiter des problèmes rencontrés en Europe, chez les alliés par exemple. Ce qui est certain, cependant, c’est que Pékin tentera probablement d’exploiter les nombreux sujets de tension et de divisions, afin de continuer à faire avancer sa conception plus large pour devenir le pays central du système international d’ici 2049, l’année du centenaire de la longue marche de la Chine. La pandémie de Covid-19 est tournée donc en opportunité par la Chine qui fut le foyer initial d’où s’est disséminé le coronavirus, ceci en vue de développer et consolider son positionnement stratégique à travers le monde et surtout sur le continent africain. Pékin a, par conséquent, développé une diplomatie scientifique et sanitaire proactive, en appoint à sa diplomatie économique et commerciale. Un véritable «Smart Power».
Dans la crise sanitaire actuelle, la Chine met en action sa diplomatie scientifique de lutte contre la pandémie, pour promouvoir ses services, ses produits et ses programmes de formation, comme elle le faisait autour des «Nouvelles Routes de la Soie» par le biais de sa diplomatie économique et commerciale. Elle ne va ménager aucun effort pour se positionner comme le pays meneur de la sortie de crise et proposer, notamment aux pays émergents et aux pays en développement des solutions médicales et paramédicales, industrielles, logistiques, technologiques, économiques et par corrélation des solutions financières pour redynamiser leurs économies. La Chine ne pourra certainement pas s’imposer partout, du fait que ses initiatives font et feront face, incontestablement, à des oppositions de la part de nombreux pays dans les prochaines années. D’autres, par contre, vont renforcer leurs liens avec elle, comme l’Algérie, l’Italie, la Serbie, le Pakistan, le Cambodge et d’autres encore, qui ont communiqué positivement sur l’assistance et la gestion de crise par la Chine, ce que Pékin a désigné comme étant des «amitiés solides comme le fer». Quant à la relation entre la Chine et la Russie, le rapprochement stratégique observé depuis à peu près sept ans ne semble pas être remis en cause par cette pandémie. Dans le post-Covid-19, Pékin va, certainement, mettre en avant la supériorité de son système de gouvernance. Cela passera par des démonstrations militaires, des célébrations à travers le pays, avec une glorification de Xi Jinping et du Parti communiste. Ces célébrations mettront en avant les technologies chinoises (matériel militaire, satellites, drones, robots, etc.) qui sont au centre des investissements de la Chine, depuis plusieurs années.
L’offensive chinoise sur le terrain du Smart Power a bénéficié du retrait américain et de la politique dite «America First» du président Trump. Bien avant l’apparition du Covid-19, l’administration américaine avait proposé des coupes importantes dans le budget alloué à l’aide internationale (- 21%) et le financement de la santé dans le monde. Le président Biden, quant à lui, depuis son élection tente de remonter difficilement cette pente, dans un contexte de récession économique globalisée.
Dans sa stratégie du Smart Power, Pékin envisage de sortir gagnant de cette crise sanitaire. En étendant son influence, la Chine, se concentrera de plus en plus sur les Brics et les pays émergents et en développement, notamment, du continent africain, et pendant ce temps, les Etats-Unis renoueraient, lentement et difficilement avec leurs alliés, dans une Europe où persisteront des sujets (Brexit, Iran, Moyen-Orient, Libye, etc.) de divergences, voire même de tensions. Une nouvelle forme de «bipolarité» s’installe dans le temps pour atteindre son apogée durant la prochaine décennie pendant laquelle des crises de 3e et de 4e générations (sanitaire et digitale) vont s’enraciner et devenir, par la force des choses, des préludes à des conflits de faible intensité.

*Expert en géopolitique

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