Par Maire de la commune de Houmt El Souk, Houcine Jrad appelle à revoir la classification de Djerba comme « foyer épidémique de coronavirus » par le ministère de la Santé. L’île vit coupée du monde depuis le 26 mars, alors que la situation épidémiologique y est contenue.

Tout retour ou départ vers l’île de Djerba est interdit, alors même que l’épidémie de coronavirus semble y être contenue. Pour inciter les autorités à revoir leur décision, la société civile lance une campagne intitulée « Levez le blocus sur l’île de Djerba ». Relayée par le maire de Houmt El Souk, Houcine Jrad, elle appelle à revoir la classification de l’île comme « foyer épidémique ». Explications.

Jeune Afrique : Quid de la situation épidémiologique à Djerba ?

Houcine Jrad : Tout à fait maîtrisée, avec une tendance nettement baissière. À ce jour, nous enregistrons 40 guérisons. Et 29 cas sont toujours sous surveillance, pour 200 000 habitants. Djerba n’est pas devenue le foyer de propagation que certains craignaient.

LA QUALIFICATION DE CLUSTER PORTE PRÉJUDICE À DJERBA, ALORS MÊME QUE L’ÎLE N’EST PAS DEVENUE LE FOYER DE PROPAGATION QUE CERTAINS CRAIGNAIENT

  • La qualification de cluster, toujours en vigueur, porte préjudice à l’île, qui est toujours coupée du continent alors que les autres foyers de pandémie n’ont jamais été isolés.

De toute évidence, cette situation vous rend amer…

Être considérés comme zone à risque avec une telle célérité a choqué tous les insulaires, moi compris ! L’absence d’une communication ciblée de la part du gouvernement a affecté l’image, nationale et internationale, de Djerba. Nous le déplorons.

Avec Ajim et Midoun, les deux autres communes de l’île, ainsi que la société civile, nous demandons à l’autorité centrale de lancer un audit, et de lever le blocus sur Djerba. Cette décision qui perdure sans raison n’aide personne. Nous sommes à l’arrêt, l’île est totalement isolée et ne peut pas vivre dans une économie fermée, encore moins dans une situation de confinement.


Mais le plus dur est passé, non ?

Nous craignons encore les mouvements de foule, comme ceux que nous avons vus lors de la distribution des aides, ou lorsque des gens qui ont perdu leur emploi ont voulu quitter l’île pour rejoindre leurs familles à l’approche de Ramadan. Nous surveillons les éventuelles retombées sanitaires de ces mouvements de panique.

Sur l’île, la reprise se fait sentir avec plus de mobilité entre communes, mais le respect des mesures barrières est encore lacunaire. Il n’est pas certain que les citoyens adhèrent à la stratégie nationale de déconfinement, qui prévoit dans un premier temps de ne faire travailler que la moitié des effectifs, ou les effectifs au complet mais en alternance un jour sur deux. Sur le terrain, les services municipaux essaient de faire de la pédagogie, et d’expliquer qu’il vaut mieux une levée graduelle des restrictions, plutôt qu’un confinement total.

Où en est Djerba justement, en ces premiers jours de déconfinement ?

Tout le monde est sur le pont pour rattraper le retard pris ces dernières semaines. Le Covid-19 nous a stoppés dans notre élan alors que nous étions bien partis dans l’exécution de notre programme, avec la réfection de la corniche de Houmt El Souk. Aujourd’hui, nous allons reprendre nos projets là où nous les avons laissés.

Notre objectif de durabilité est inchangé. Je plaide toujours pour une refonte des transports sur l’île, pour les rendre éco-responsables. Faute de décret d’application du Code des collectivités locales, nous souffrons, de la centralisation des décisions. Les secteurs qui dépendent de l’activité touristique comme l’artisanat s’adaptent ; les commerçants diversifient leur activité et ont en général investi dans l’immobilier.

DJERBA DEVRAIT ÊTRE UN BASTION DE DÉVELOPPEMENT. MAIS LA GESTION DE CRISE, CENTRALISÉE PAR TUNIS, RÉDUIT NOS MARGES DE MANŒUVRES

Mais la gestion de crise, trop centralisée par Tunis, réduit nos marges de manœuvres. En attendant, nous travaillons sur un système de gouvernance approprié qui serait conduit par un conseil insulaire composé des trois communes. Cela nous permettra de gagner en autonomie. Djerba devrait être un bastion de développement économique. Il est insoutenable que les citoyens soient pénalisés en dépendant de centres régionaux qui sont à Médenine, à plus cent kilomètres. La crise engendrée par le coronavirus est une opportunité pour réorganiser et penser les choses autrement.

TUNISIA - DJERBA

Quel enseignement tirez-vous de cette expérience ?

D’abord, un fait marquant : la solidarité manifestée par les chefs d’entreprises originaires de Djerba, qui sont venus au secours de l’île, avec divers dons. Ensuite, un constat sans appel : celui du manque d’infrastructures de santé publique et de personnel hospitalier. Le développement du secteur privé s’est fait à leur détriment. Djerba présente toutes les conditions pour être dotées d’installations de qualité. Il faudrait établir un pont entre public et privé pour booster ici le système de santé.

Croyez-vous encore en une saison touristique ?

Difficile de faire des prévisions, mais je ne crois pas qu’il faille s’attendre à un retour rapide à la normale. Cela dépend de trop de paramètres, comme la reprise des vols, la certitude que le risque a été éliminé… Le démantèlement de l’isolement de l’île prendra le temps qu’il faut, mais je suis certain que Djerba a tous les atouts pour attirer la clientèle locale. Une fois que nous serons sûrs qu’il n’y a plus de danger, les communes accompagneront cette relance.

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