Au lendemain de son élection, Abdelmadjid Tebboune, 74 ans, a lancé un appel au dialogue avec le Hirak populaire « pour trouver une issue à la crise du pays », vendredi 13 décembre. Sans convaincre cependant les centaines de milliers d’Algériens qui protestent contre ce scrutin instrumentalisé par l’État-Major de l’armée, décidé à installer un homme de confiance au palais d’El-Mouradia.

Le général Ahmed Gaïd Salah n’a d’ailleurs pas fait de mystère de cette proximité en félicitant Abdelmadjid Tebboune, « l’homme qui convient et qui est apte à mener l’Algérie vers un avenir meilleur ». À l’inverse, Adlene Djaafri, militant de la société civile, favorable à une transition négociée, s’interroge : « La question que nous nous posons, c’est comment un président intronisé par un puissant chef militaire peut-il rompre avec la ligne de conduite dure de son mentor pour engager un vrai dialogue avec le mouvement populaire qui ne le reconnaît pas et qui veut un changement radical ? »

Le parcours politique de Abdelmadjid Tebboune ne présage pas d’une dissidence à l’égard de sa « hiérarchie ». Diplômé de l’École nationale d’administration, ce natif de Mechria dans le sud-ouest du pays a fait toute sa carrière dans l’administration préfectorale accédant au poste de Wali dès le début de l’ère Chadli Bendjedid (1979-1992) puis à celle de ministre en juin 1991. « Tebboune est connu pour être dirigiste, volontariste et attentif aux attentes des détenteurs de pouvoirs », raconte un observateur. Peu d’Algériens pensent qu’un président « élu » sans doute par moins de 10 % du corps électoral, dont le fils est en prison pour implication dans un gigantesque trafic de cocaïne, puisse s’émanciper de ses encombrantes tutelles.

Face au Hirak

Il existe pourtant des acteurs politiques qui souhaitent répondre à la main tendue par le nouveau président, afin de le sortir du tête-à-tête avec le général Ahmed Gaïd Salah. « Il faudra cependant qu’il apporte les preuves de sa bonne volonté en prenant, aussitôt intronisé, des mesures fortes pour rétablir un minimum de confiance avec le Hirak », estime un dirigeant du MSP, parti islamiste modéré qui a participé au pouvoir de Bouteflika jusqu’en 2012 avant de basculer dans l’opposition.

Premier test à chaud, la surprenante vague de répression qu’a connu Oran : plus de 450 personnes ont été arrêtées durant les deux jours du vote et le lendemain, alors que la ville n’avait connu jusque-là que quelques arrestations ciblées d’activistes.

Convaincre ses partenaires étrangers

« C’est clairement l’agenda de Gaïd Salah qui est appliqué avec zèle à Oran par son gendre le général Souab, chef de la 2e région militaire. Il s’agit de mettre au pas le Hirak maintenant qu’il y a un président », estime un militant de la ligue des droits de l’homme d’Oran dont le président Kaddour Chouicha a été arrêté. Ce n’est clairement pas la bonne feuille de route pour dialoguer. Abdelmadjid Tebboune sait qu’il a beaucoup de chemin à parcourir et peu de temps pour devenir un interlocuteur « audible » pour son peuple et pour ses partenaires étrangers. Si Emmanuel Macron n’a fait que prendre note de son élection, Moscou et Washington l’ont déjà félicité.

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