Les expériences-réussites en matière de transition démocratique ont montré que la démocratie joue favorablement pour la croissance lorsque les changements politiques et institutionnelles sont accompagnées par des réformes économiques qui vont de pair avec la démocratie.

Or, en Tunisie, la vitesse de transition politique et même institutionnelle a été beaucoup plus rapide que la transition économique. La Tunisie est bien classée selon l’indice de liberté politique, elle est classée première dans le monde arabe, alors qu’elle occupe les derniers rangs dans le classement Héritage Fundation de la liberté économique. Ce décalage entre les réformes politiques et institutionnelles et les réformes économiques explique ce désenchantement, ce désespoir d’un peuple qui n’a rien récolté de sa révolution que la simple liberté d’expression.

En fait, ce Transition Gap a résulté d’un retard d’adoption des réformes économiques adéquates par les gouvernements d’après-révolution. L’essentiel de ces réformes a commencé avec le programme du gouvernement de M. Youssef Chahed 2017-2020, mais elles ont débouché malheureusement à des résultats désastreux, la croissance hors agriculture a été presque nulle, le taux de chômage n’a pas bougé depuis 2015 autour de 15%, la balance commerciale est de plus en plus déficitaire et le dinar tunisien ne cesse de se déprécier d’une année à l’autre malgré l’appréciation artificielle au début de cette année répondant à des arguments purement électoraux. L’inflation s’est située à des niveaux élevés à 7% affectant négativement le pouvoir d’achat des citoyens tunisiens, la dette publique extérieure a dépassé les limites rouges et s’est située au-dessus de 70% du PIB.

D’où la question de la qualité des réformes économiques appliquées jusque-là par le gouvernement tunisien. Sont-elles des réformes dictées par le FMI et donc mal négociées par le gouvernement ou proposées par celui-ci ? Dans les deux cas de figure, le gouvernement tunisien assume toute responsabilité d’un mauvais choix de politique économique ou d’un défaut de négociation avec le FMI sur la qualité de ces réformes. La politique monétaire prudente et la politique de change flexible et la politique fiscale expansive ont tué l’investissement privé qui ne cesse de reculer d’une année à l’autre pour se situer aux alentours de 18% du PIB contre 24% en 2010.

En l’absence d’une dynamique du secteur privé et d’un dérapage du secteur public au niveau des équilibres financiers surtout au niveau du Titre 1, particulièrement au niveau de la masse salariale de la fonction publique, l’accélération des réformes économiques est d’une nécessité absolue. Ces réformes devraient s’orienter principalement vers l’encouragement de l’investissement privé, notamment le climat des affaires et le rang de la Tunisie dans les différentes classifications internationales en matière de l’environnement de l’entreprise. Le classement de la Tunisie dans Doing Business, Davos, Héritage Foundation est un indicateur essentiel dans la prise de décision de l’investissement mais non suffisant pour attirer les investissements directs étrangers si les politiques économiques adoptées sont à l’encontre de l’investisseur tunisien.

Laboratoire de recherche ENVIE : Environnement de l’Entreprise (Environnement institutionnel, Environnement International et Environnement Naturel) de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Nabeul

Ridha CHKOUNDALI
Professeur d’Enseignement Supérieur en Economie
Directeur du Laboratoire de recherche «ENVIE»

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