Dernièrement, nos bacheliers ont traversé les épreuves de la session principale du baccalauréat, non sans pépins. Effectivement, deux incidents majeurs ont fait la une des journaux récemment, et ils valent la peine d’être remis sur le tapis: – A Bouhajla, deux élèves ont été interdites de passer l’épreuve de philosophie parce qu’arrivées en retard faute de moyens de transport. Aux dernières nouvelles, elles seraient obligées de repasser l’épreuve en session de contrôle, autrement, pas moyen de rattraper l’examen manqué. C’est ce qui arrive quand on néglige les régions et les quelques institutions qui y sont établies. En Tunisie, certaines écoles poussent comme des champignons: dans des régions éloignées, on y accède après avoir traversé les champs sous un soleil de plomb, sans oublier que le ministère impose à ces établissements une forme d’autosuffisance. On rêve de lycées munis de bus d’excursion pour apprendre à nos élèves les secrets de Carthage, alors qu’il y a encore un manque de bus affectés au transport autour des grandes villes. Mais ouf! Heureusement qu’il y a eu les élections municipales, il paraît qu’on aura bientôt le wifi dans les rues, et tous nos soucis seront derrière nous. – Deux professeurs dans deux lycées différents, auraient interrompu l’épreuve du bac pour sermonner des bacheliers qui boivent ostentatoirement en plein Ramadan. Il y a des élèves qui préfèrent jeûner pendant les examens pour mettre toutes les chances de leur côté, notamment les points bonus envoyés par Dieu en signe d’approbation, tandis que d’autres n’ont de foi que pour le Bac après 14 ans de dur labeur, et préfèrent s’hydrater pendant les examens pour mettre toutes les chances de leur côté et interdire ainsi aux éléments perturbateurs, comme un gosier desséché en pleine chaleur, de leur brouiller le cerveau. Mais malheureusement, les éléments perturbateurs étaient bien là, pires que l’hypoglycémie et la soif, incarnés en professeurs, deux saints rigoureux interrompent le bon déroulement des épreuves pour reprocher aux non-jeûneurs le miracle de l’eau.

Si l’Islam est une religion d’amour et de paix, si l’on considère que la religion dominante prône à la fois le bien et le mal pour le bien (jeûner pour apprendre la patience et dans le cas des bacheliers, l’inverse: ne pas jeûner pour réussir ses examens, parce que l’Islam est l’ami du Savoir); si c’est bien le cas, en bons Musulmans, ne devrait-on pas pencher naturellement vers le bien? Certains Tunisiens s’orientent automatiquement vers le mal et ça devient non plus l’expression d’une foi mais celle d’une rancune, et pour revenir à notre actualité, on dirait l’expression d’une soif presque jalouse de ceux qui ont osé épancher la leur en public. Les enseignants ont un rôle bien déterminé : transmettre une compétence au cours de l’année et assurer le bon déroulement des épreuves à la fin de chaque semestre, or, chez nous, certains d’entre eux s’improvisent détenteurs de toutes les vérités et de tous les droits, ils réclament « le respect » en pleine session d’examen, et ne font que manquer de respect à l’une des institutions les plus respectables du pays: l’Education Nationale. L’Education Nationale est soumise à l’inspection de Dieu en permanence, quand son rôle premier est d’apprendre aux enfants à se comporter en société, sur terre et non dans le ciel. C’est dans les mosquées qu’on apprend à respecter les traditions; à l’école on devrait apprendre la relativisation, la rationalisation et l’art du vivre ensemble. Il est vrai que les religions tentent de s’occuper des choses du ciel et de la terre, mais aujourd’hui, ça se pratique à tort et à travers. Nos enfants ont besoin d’une école qui leur inculque les bases de la réflexion, d’une école qui leur donne les outils nécessaires, pour qu’une fois prêts, ils puissent défendre leurs religions et leurs valeurs, par la force du crayon et du débat, et non par celle des bombes et des discours haineux et « takfiristes ». Nos enfants ont besoin d’une école laïque.

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